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De la loi à la réalité


C'est le titre d'un article d'Annie Bougault de Benedictis, responsable d'Amnesty International, sur la situation des personnes LGBT en Equateur au début des années 2000. Elle explique le double jeu des autorités de ce pays : une législation qui garantit les droits et les libertés des homosexuels, mais en pratique une impunité totale pour les agresseurs.
Faut-il aujourd'hui faire le même constat pour la France ? Dans notre code pénal, pas moins de 17 articles aggravent les peines encourues pour un crime ou un délit lorsque l'infraction est commise en raison de l'orientation sexuelle de la victime ; le code du travail interdit dans 4 articles les discriminations liées à l'orientation sexuelle ; le code de procédure pénale empêche l'exécution d'un mandat d'arrêt européen si la personne est poursuivie en raison de son orientation sexuelle. Ainsi, la législation française - toujours perfectible - prend théoriquement en compte le caractère homophobe des délits. Encore faut-il au préalable reconnaître qu'il y a délit …
Comment expliquer le traitement singulier du dépôt de plainte quand la victime est homosexuelle ? Pourquoi une telle passivité des forces de l'ordre, des élus et des représentants de l'état lorsque les cibles des agresseurs sont deux femmes qui vivent ensemble ? Il y aurait-il de la part de certains une volonté délibérée d'entrave au fonctionnement de la justice quand les victimes sont des lesbiennes ou des gays ? Aujourd'hui, ces victimes sont obligées de quitter leur lycée, leur quartier ou leur ville, devenus des zones de non-droit, et les agresseurs peuvent crier victoire : ils ont gagné ! 
Le président de la république et ancien ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, s'est toujours présenté en chevalier blanc de la sécurité, prêt à terrasser les voyous. Il est le champion des lois sécuritaires (19 lois depuis 2002), il a signé des dizaines de circulaires ministérielles destinées aux préfets, aux magistrats, aux responsables de l'ordre public. Il a personnellement placé aux postes importants les hauts fonctionnaires chargés de l'application des lois. Il revendique lui-même sa très forte implication dans la conduite du pays.
L'impunité dont jouissent les agresseurs homophobes n'est pas un hasard ou la faute à pas de chance. Il est le résultat d'une application sélective des lois. Décidée par qui ?
Kant : " Le despotisme est un exercice du pouvoir qui repose sur l'exécution arbitraire des lois qu'un état s'est donné à lui-même ". En serions-nous déjà là ?

¤ Bernard Moreau
septembre 2009