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Zemmour, le polémiste du Café du Commerce

 

Retour de vacances. Je surfe sur internet pour reprendre contact avec une actualité quelque peu délaissée pendant 3 semaines. Sur le site de Têtu, on annonce l'embauche de M. Karoutchi sur Europe 1, dans l'équipe de Laurent Ruquier. Pour illustrer cet événement, Têtu propose la rediffusion de l'interview du ministre dans l'émission télévisée " On n'est pas couché " du 7 février dernier. Je clique.
Tout se passe bien (ou du moins les questions et les réponses sont conformes à ce qu'on peut attendre d'une telle émission) jusqu'au moment où l'un des participants, à propos du coming-out de Karoutchi, avance timidement que cela pourrait bien aider des personnes homosexuelles " qui ont des soucis " en province, et même à Paris. Eric Zemmour, chroniqueur dans l'émission, explose : " On est en 1952 là, c'est pas possible ! On n'est pas en 1880 à Londres, il n'est pas Oscar Wilde, faut arrêter ! ". Et il refuse d'entendre ceux qui tentent de lui expliquer de quels soucis il s'agit …
Je ne connais pas beaucoup Zemmour, journaliste et écrivain : le Figaro n'est pas mon quotidien préféré, et je m'efforce de choisir des bons livres. Mais il faut parfois faire preuve d'abnégation, et se plonger dans la lecture des " œuvres " de Zemmour. Je l'ai fait juste une fois, il y a 3 ans, en lisant Le premier sexe. Dans ce galimatias affligeant se mélangent l'idéologie inégalitaire d'un Alexis Carrel et les clichés machistes d'un Jean-Marie Bigard, avec une bonne pincée de xénophobie qui fleure bon la droite pure et dure. Dans ses écrits, Zemmour dénonce la " féminisation " des mâles, l'égalité des droits hommes / femmes et hétéros / homos qui, selon lui, mènent à l'uniformisation et à la destruction de la société occidentale. Il prophétise la fin de notre " race " par l'arrivée massive de populations étrangères et la vigueur procréatrice de ces nouveaux arrivants. Il ne voit chez les homosexuels que de riches bobos parisiens avides de pouvoir, et il dénonce l'entrisme des lesbiennes américaines dans les mouvements féministes.
On sort épuisé de cette lecture, épuisé et en colère. Et cette colère resurgit aujourd'hui quand j'entends le journaliste-écrivain Zemmour suggérer à demi mot qu'il n'y aurait plus de discriminations ou d'agressions homophobes. Bien sûr, au nom de la liberté d'expression, il a le droit d'affirmer une telle contre-vérité. Le grand journaliste Albert Londres écrivait : " Un vrai reporter doit savoir d'abord écouter et regarder. Celui qui sait seulement écrire ne sera jamais qu'un littérateur ". Monsieur Zemmour est un médiocre littérateur qui se prend pour ce qu'il n'est pas : un polémiste de talent. Il est tout juste bon pour le Café du Commerce.

¤ Bernard Moreau
octobre 2009