Quazar
cultures et libertés homosexuelles



      Dans le cadre de la Lesbian and Gay Pride d'Angers 2001, l'association Quazar présente avec le soutien du bar le Cargo, une exposition intitulée "Homosexualités à la Belle Epoque". Cette exposition présente, à travers des images d'époque, quelques thèmes forts pour la compréhension de comment l'homosexualité a été vécue il y a cent ans.
      Si l’homosexualité a toujours existé, la vie des homosexuels a souvent été occultée des manuels d’histoire et l’identité homosexuelle de 1900 n’est pas la même qu’aujourd’hui. Certes, des mouvements artistiques et politiques centrés sur une prise de conscience homosexuelle ont réuni un petit monde, mais la grande majorité des homosexuels connaissaient une grande solitude.  Une chose est sûre : des hommes et des femmes de 1900 ont recherché — et trouvé — des affinités émotionnelles et sexuelles avec les personnes du même sexe.

Detail d'une étude photographique sur le mouvement. Les avancées techniques ont permis la diffusion massive d'images de beauté masculine

      Du côté des hommes
 
      Les grandes villes d’Europe et d’Amérique du Nord attirèrent des homosexuels masculins qui, libérés de la surveillance de leurs familles et de leurs communautés, découvrent d’autres hommes comme eux. Bains publics, casernes & vespasiennes sont autant de lieux d’expériences sexuelles & de sociabilité. Brillant de mille feux, les grands cafés favorisaient les rencontres entre homosexuels.
Une vespasienne, lieu de rencontre par excellence des boulevardiers
      Comme toujours, les homosexuels masculins aisés pouvaient faire ce qu’ils voulaient. Privilégiant l’esthétique et le paraître, ils étaient bien acceptés dans les salons, tant qu’ils ne faisaient pas de scandale...
      En France, Marcel Proust ou le Comte Robert de Montesquiou, dont Proust s’est inspiré pour créer le personnage de Charlus dans A la Recherche du Temps Perdu , ou encore Pierre Loti, en costume exotique, ont personnifié l'esthète inverti de l'époque. Ces hommes priviligiés ont mené des reflexions sur la beauté masculine et ont su transformer leur amour des hommes en création esthétique.
      La Belle Epoque était également une période très riche en recherches photographiques, notamment pour le nu masculin. Les avancées techniques de l’époque et la dissémination massive des photos en général ont facilité l’accès à des images homoérotiques et pornographiques.

Marcel Proust et ses amis
      Toutefois, les homosexuels pouvaient être victime de la persécution et de l'homophobie. Père spirituel d’une génération d’homosexuels, bon vivant au verbe acide, Oscar Wilde (1854 - 1900) a une liaison avec Lord Alfred Douglas, fils du marquis de Queensberry. Le marquis traite publiquement Wilde de sodomite et ce dernier a l'imprudence de l'attaquer en justice pour diffamation. Il perd le procès, est arrêté et condamné pour atteinte aux bonnes mœurs à deux ans de travaux forcés. Ruiné, il meurt à Paris en 1900.
      Autre affaire célèbre : Eulenburg. En 1907, le Prince Philippe von zu Eulenburg, ami proche de Guillaume II, a été accusé d’homosexualité par ses ennemis politiques. La chasse aux homosexuels dans l’armée Prusse et l’homophobie de la presse a alors sérieusement affaibli le mouvement homophile allemand crée par Magnus Hirschfeld.

Oscar Wilde, dandy et bon vivant...
Il mourra ruiné à Paris en 1900

      Lesbos à la Belle Epoque

 
      Aux États-Unis, au 19e siècle, on disait que deux femmes indépendantes qui vivaient ensemble sans homme faisaient un ‘‘Boston Marriage’’. De nombreux couples de femmes intellectuelles se sont formés : les nombreux lecteurs de la romancière Willa Cather (1873 - 1947) dont les romans évoquent les souvenirs d’enfance dans l'Amérique de la ruée vers l'Ouest, ignoraient qu’elle vivait avec sa compagne, Edith Lewis, depuis 40 ans. ‘‘Garçon manqué’’, elle s’est présentée en première année de faculté sous le nom de son frère, William.
      L'écrivain américaine naturaliste Sarah Orne Jewett (1849 - 1909), s'est mise en ménage avec son amie Annie Fields après la mort du mari de celle-ci. Ensemble, elles ont assuré des conférences publiques à travers la côte est des Etats-Unis.

Willa Cather
      En France, Natalie Clifford Barney, née à Dayton (Ohio) en 1877 dans une famille aisée, s’installa à Paris au début du siècle. Elle y tint à partir de 1910 – au 20 rue Jacob – un salon littéraire qui attirait le "tout-Lesbos". Surnommée l’Amazone, grande séductrice croquant la vie avec gourmandise, elle aimait écrire et soutenait les talents artistiques de ses amies. Elle reçut l’écrivain Gertrude Stein, eut une liaison passionnée avec la poétesse Renée Vivien, partagea la vie de la peintre Romaine Brooks. Colette dansa dans son jardin, Marguerite Yourcenar venait prendre le thé… Ainsi se tissèrent des liens d’amour et de solidarité entre femmes artistes de la Rive gauche.
Nathalie Barney
      Vêtue en homme, avec un revolver dans la poche : ainsi sortait la doctoresse Madeleine Pelletier (1874-1939) pour se rendre au comité directeur de la SFIO ou aux réunions féministes. Selon sa concierge renseignant la police, elle était une "tribade notoire". Ce qui est sûr, c’est que dans ses nombreux ouvrages consacrés à l’émancipation des femmes, elle plaidait pour le célibat – le seul mode de vie digne pour une féministe, manière de critiquer la contrainte à l’hétérosexualité. Elle a convaincu les socialistes de défendre le droit de vote des femmes, et s’illustra surtout par une vision audacieuse de la libération sexuelle. Dès 1914, elle défendit le droit à l’avortement. Victime de la loi scélérate, elle a été arrêtée en 1939 ; elle fut jugée folle et termina sa vie dans un asile. Ainsi prit fin tragiquement la vie hors norme de celle qui, venant d’un milieu misérable, était devenue une intellectuelle, anthropologue et psychiatre, féministe mais aussi pacifiste, révolutionnaire, antifasciste. Trop radicale, elle fut injustement oubliée et reste aujourd’hui trop peu connue.       
Madeleine Pelletier

      Discours scientifiques & double discrimination

      Les médecins de la Belle Époque s’affairaient à mesurer, identifier, nommer et classer la sexualité, ceci jusqu’à la caricature. Si Krafft-Ebbing était du coté du pouvoir psychiatrique normatif, Magnus Hirschfeld, lui aussi médecin, fonda à Berlin le premier mouvement homophile. A Vienne, Sigmund Freud théorisait sur la bisexualité psychique de chacun.
Extrait d'un manuel de médecine légale de 1890 illustrant le sexe d'un pédéraste
      L’histoire ‘officielle’ oublie trop souvent les personnes de couleur qui ont aimé des personnes du même sexe. Ma Rainey (1886 - 1939), dont la carrière de chanteuse commence en 1900, deviendra la ‘Mère du Blues’ aux États-Unis. Elle chanta son amour pour les femmes dans de nombreuses chansons. George Washington Carver (1861 - 1943) a surmonté le racisme de son pays pour devenir ingénieur agronome. Convaincu que la science pouvait améliorer les conditions des agriculteurs pauvres du Sud américain, il s’est fait aider dans ses recherches par son compagnon de vie, Austin W. Curtis Jr.
Ma Rainey, Mother of the Blues
      Multiples, variées, cachées ou délibérement visibles, les façons de vivre son attirance pour le même sexe à la Belle Epoque font actuellement l'objet de recherches historiques pour aider à comprendre comment les identités se construisent. Loin de nous, mais proche par certains aspects, l'histoire des homosexuels mérite d'être connue de tous.



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Dernière modification : 5 juin 2001