SIDA : «Le risque d'attraper le virus n'a jamais été aussi important»

La vigilance est dépassée et le préservatif est en voie de "ringardisation". Pourtant, le nombre de personnes atteintes du SIDA ne cesse de croître. Dans la région, 45% des personnes contaminées ignorent qu'elles portent le virus...


Le week-end dernier, la journée de lutte contre le Sida n'a trouvé comme appui médiatique qu'une seule chaîne de télévision (TF1). Rappelons qu'en 1993, toutes les chaînes avaient diffusé simultanément le même programme lors d'une soirée spéciale. Or, l'attitude des médias coïncide, logiquement, avec une banalisation de la part de la population, une baisse de l'attention quant à la protection contre le virus.

«Il y a une baisse de la vigilance, une baisse des dons, une baisse du nombre de bénévoles, et une stagnation du marché des préservatifs, constate Olivier Lehmann, médecin-inspecteur à la DDASS d'Angers. Pour notre part, nous distribuons gratuitement 15 à 20.000 préservatifs par an, en accompagnant cette distribution d'une information. Mais on remarque une confusion parmi les jeunes». Certains, en effet, confondent protection contre le VIH et contraception, et se croient prémunis parce que la petite copine prend la pilule...

Les nouveaux moyens thérapeutiques ont sans doute contribué à ce relâchement dans les pratiques sexuelles. La trithérapie est certainement apparue comme un bienfait providentiel par la population, bridée par la crainte depuis des années. «La trithérapie a eu un effet bénéfique, indique Olivier Lehmann. On meurt moins mais on constate une résistance au traitement car le virus s'adapte. Les gens pensent qu'on ne meurt plus du SIDA, or il y a 5.000 contaminations nouvelles chaque année en France. Seulement, on vit plus longtemps avec le SIDA, qu'auparavant On estime le «réservoir viral» du pays à 100.000 personnes. Le risque d'être contaminé n'a jamais été aussi important». 30.000 personnes contaminées ignoreraient leur situation sérologique, car n'ayant pas pratiqué de dépistage. Elles sont donc susceptibles de diffuser le virus si elles ne se protègent pas. La DDASS estime que dans les Pays de la Loire, 45% des personnes touchées ne le savent pas.

La population homosexuelle est, depuis le début, la plus active pour tenter de contrer ce fléau qui, contrairement aux idées reçues, touche en priorité les hétérosexuels. Selon l'association Act Up, se référant à une enquête Presse Gaie 2000, «21% des homosexuels séronégatifs ou qui croient l'être» déclarent avoir eu une relation non-protégée «avec un partenaire dont ils ignoraient le statut sérologique.» Plus grave, «38% des homosexuels séropositifs» déclarent avoir eu une relation non-protégée «avec un partenaire occasionnel dont ils ignoraient le statut sérologique». «Aujourd'hui, tout confirme un relâchement des pratiques de safe sex (ndlr: relations protégées)». Yannick, président de l'association angevine Quazar (cultures et libertés homosexuelles), précise avoir vu sur des messageries «des propositions de plans no-capote». Les associatifs semblent mesurer le danger, mais peut-on en dire autant des non-militants? «Il faut répéter tout le temps les mêmes messages, continue Yannick. C'est une préoccupation de tous les jours. On s'est rendu compte que si les associations ne réagissent pas, l'Etat et les pouvoirs publics ne réagissent pas non plus».

Rappelons que le virus touche 16.000 personnes de plus, chaque jour, dans le monde. Soit une toutes les cinq secondes...

Angers Journal, 15.05.2001