Première « gay pride » samedi, contre le « fléau social » de l'homophobie

Ils ne veulent rien d'autre, au fond que d'être reconnus et respectés, comme « minorité dans la majorité ». Mais dans les textes de loi ne changement pas vite et les mentalités encore moins. « Gays » et lesbiennes le crieront samedi dans les rues d'Angers.
Peu de catégories sociales nourrissent autant d'incompréhension, de fantasmes, de frustrations et de haine. Il y a les filles qui soupirent en regrettant « ce gâchis », ceux qui crient « sales pédés », ceux qui, comme l'ancien Garde des Sceaux Jean Foyer, parlent de « vice abonimable », et d'autres qui voient en eux des pédophiles en puissance. L'homophobie, néologisme des années 1970, est un « fléau social » martèlent le nantais Stéphane Corbin et l'angevin Yannick Taillandier.

Contre la haine homophobe, la véritable réforme législative n'est pas encore entamée.
L'un et l'autre seront en première ligne de la première « Lesbian and Gay pride angevine », ce samedi 27 mai après-midi, de la place Imbach au jardin du Mail, par la rue d'Alsace. Angers la prude, la conservatrice, sera même la première à ouvrir le bal de toutes les autres manifestations du genre qui secoueront toutes les autres grandes villes de France, chaque samedi de juin.
La « Gay pride » c'est la « fierté homo », manifestation sous forme de marche colorée, exubérante et revendicative née aux Etats-Unis. « Ni fierté, ni honte, ni prosélytisme » cependant pour les organisateurs. « Nous sommes simplement une minorité dans la majorité. Il s'agit d'une marche de ceux qui ne veulent plus avoir peur et à laquelle tous sont invités, gays ou hétéros. Nous sommes tous différents et tous identiques parce que citoyens. C'est aussi une réponse aux législateurs de 1960 qui, en France, avaient classé l'homosexualité parmi les fléaux sociaux au même titre que l'alcoolisme et la prostitution ».
L'étouffoir
Aujourd'hui, la loi du 1er juillet 1972 condamne toute discrimination basée sur l'ethnie, la nation, la race ou la religion, le sexue et la situation de famille, les moeurs, le handicap et l'état de santé. Un dispositif peu efficace, cependant, en raison des risques de représailles et de la difficulté à établir la preuve. On a vu débouter des parties civiles ayant attaqué le concepteur (de droite extrême) d'une affiche homophobe.
« Que l'on traite quelqu'un de sale bougnoule devant témoins et c'est la condamnation assurée; parfait. Que l'on me traite de sale pédé dans les mêmes conditions et je ne peux rien faire » commente Stéphane Corbin.
L'Assemblée nationale a tout de même adopté, le 10 février dernier, à l'unanimité, un amendement permettant aux association déclarées depuis au moins cinq ans de pouvoir se porter Partie Civile dans des affaires d'incitation à la haine homophobe. Mais la véritable réforme législative n'est pas encore entamée.
- Comment réagissez-vous au « sale pédé » ?
- Ca se joue en un quart de sconde. Je peux dire « merci » parce que, d'une certaine manière, celui qui veut m'insulter reconnaît là mon identité. Il m'est aussi arrivé de dire « sale? non, propre depuis ce matin ».
« Homo? On ne licencie jamais pour ça, bien sûr » appuie Jean-Pierre Cocault secrétaire départemental de la CFDT. « Simplement on multiplie les remarques acerbes, on étouffe, on « placardise » peu à peu, bref, on pousse à la démission. Les homosexuels n'osent pas s'exprimer, rasent les murs. Nous sommes contre toutes les exclusions et nous sommes avec eux ».
Vingt organismes et associations appellent à la « manif » ou la soutiennent : ville d'Angers et Université, Mutualité de l'Anjou, associations d'étudiants, syndicats, Verts, partis communiste et socialiste... Est-ce à dire qu'elle va attirer la foule? « Il n'y a jamais autant de gays qui font leur jardin ou rendent visite à leur vieille maman que ces jours de manif. Il y a la peur, le poids social qui pèse comme un couvercle. Et pourtant, comment la société peut s'y retrouver en contraignant tant de gens à se nier eux-mêmes? »
Dans la manif on verra sans doute des outranciers, des exhibitionnistes, forcément « provoc »... « Une minorité dans la minorité » répond Stéphane Corbin « Mais ce n'est pas nous qui réclamons le respect qui allon commencer d'étouffer les différénces dans nos rangs ».

D. Billaud, 25.05.2000