Info VIH SIDA n° 11  


 

A propos des multivitamines

Nous continuons avec Pierre ABGUEGUEN, médecin dans le service des maladies infectieuses du CHU d'Angers, cette rubrique autour de questions relatives au VIH/SIDA et autres IST. Vous pouvez participer à cette rubrique en posant vos questions, via l'email de Quazar ou le courrier postal.

Quazar : Suite à l'article paru dans le QZN de novembre, vous souhaitiez apporter des précisions par rapport à la question des multivitamines.
- P. Abgueguen : Oui en effet, car il me semble bien dangereux de mettre les multivitamines au niveau des antirétroviraux. Certaines vitamines ou minéraux sont connus depuis bien longtemps comme des facteurs pouvant influencer l'évolution du VIH, voire être directement responsables de certaines maladies en cas de carence. Par exemple, les folates sont des vitamines pouvant parfois être en quantité insuffisante dans l'organisme en cas d'infection à VIH et être responsables d'une grande fatigue ou d'anémies. Cette carence est favorisée par l'utilisation d'antirétroviraux et il est souvent nécessaire d'apporter une supplémentation de ces vitamines. Un autre exemple est celui du sélénium, minéral pouvant être en quantité très insuffisante dans l'organisme en cas d'infection au VIH. En cas de déficit trop important, certaines maladies du cœur peuvent apparaître. Une supplémentation est alors nécessaire. Il en est encore de même pour les carences en carnitine qui sont responsables de symptômes variés, au premier plan desquels on trouve la fatigue. Des apports quotidiens de ces vitamines sont alors nécessaires, parfois même en perfusions. Dans tous ces cas, le déficit d'une vitamine précise est responsable de symptômes particuliers et une complémentation par un apport important de la vitamine manquante est nécessaire.
Ce qu'on appelle multivitamines, c'est un cocktail de vitamines (vitamines A, B1, B6, B12, C, E, folates). Une étude récente, publiée dans la meilleure revue médicale au monde, a été réalisée chez des femmes enceintes en Tanzanie. Il s'agissait bien sûr de femmes n'ayant pas la possibilité d'accéder aux traitements antirétroviraux trop chers. Cette étude a permis de montrer que l'apport de ces multivitamines permettaient de ralentir, de façon statistiquement significative, l'évolution de l'infection à VIH vers la maladie et la mort. Mais n'oublions pas les conclusions des auteurs. Ceux-ci concluent, en effet, que ces multivitamines représentent peut être un moyen peu coûteux, simple et efficace de retarder la nécessité de débuter un traitement antirétroviral. En clair, cette étude est réalisée pour des malades ne pouvant pas bénéficier des traitements antirétroviraux pour des questions financières, alors que l'on sait qu'il s'agit des traitements de référence. C'est une idée du monde occidental pour éviter de dépenser trop d'argent et se donner bonne conscience. Enfin, il faut également noter que cette étude, réalisée à Dar El Salam, concerne vraisemblablement des patients dont les conditions de nutrition ne sont pas forcement comparables à celles d'un pays occidental.
Le traitement de référence de l'infection par le VIH reste donc le traitement antirétroviral lorsque l'immunodépression devient importante. Par contre rien n'empêche de prendre des multivitamines en plus si on se sent mieux, en n'oubliant pas que le nombre de comprimés sera plus élevé et qu'il ne faut pas que cela joue sur l'observance du traitement de référence.

Propos recueillis par Jérémie
janvier 2005

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